Culpabilité et traumatisme par Liliane Daligand (Tome 1, 5, 2013)

Liliane Daligand : Professeur de médecine légale, Université Lyon 1, psychiatre des hôpitaux, CHU de Lyon, expert près la cour d’appel de Lyon.

Article paru in Revue Francophone du Stress et du Trauma, 2001, 1(2), 99-101.

Résumé : L’action pénétrante du traumatisme précipite la victime dans un monde de sensations comme dans une chair primitive où seul le perceptif domine. La victime devient un moi pulsionnel sans surmoi, une chair sans mot. La voie de la jouissance, représentée toujours par les victimes comme le surgissement d’une mort inéluctable et totalisante, leur est ouverte. Rien ne les retient dans ce monde d’où elles vont glisser inexorablement vers la jouissance. Si la victime échappe à ce phénomène d’éclatement de l’être dont elle a peur depuis ses commencements, elle va devoir rétablir ses défenses les plus archaïques, le barrage le plus repérable, par l’appel à la faute entrevue dans la glissade jouissive. La reconstruction l’appelle à un surmoi qui, bien qu’angoissant et culpabilisant, freine l’enfouissement dans un monde inhumain. Le travail du soignant qui accueille les victimes n’est pas de déculpabiliser, ce qui reviendrait à lever un barrage, précipitant la victime dans les risques de néantisation et lui faisant, par perte de confiance, réticence à s’ouvrir à un autre.

Abstract : Guilt and traumatism
The penetrating action of the traumatism plunges the victim into a world of sensations as if in a primeval flesh where only perception dominates. The victim becomes an ego of impulses without superego, a word-less flesh. The way to “jouissance”, always presented by victims as an upthrow of an unrelenting and total death, is open to them. Nothing keeps them back in this world from where they will slide unrelentingly towards “jouissance”. If the victim escapes from this phenomenon of exploding being which s/he has been, afraid of since its beginning, s/he will have to re-establish her/his most archaic defenses, the most recognizable dam, by calling upon fault s/he has caught a glimpse of in the slide into “jouissance”. The reconstruction calls him or her to a superego which although distressing and guilt provoking, slows down the burying in an inhumane world. The healing task of those who receive the victims is not to undo or lift the feeling of guilt, which would lead to lifting of a dam, plunging the victim into the risks of annihilation and causing, through a loss of confidence, a reticence to open up to another person.

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